Tout d'abord, sur la forme, et contrairement à tous les autres candidats ayant répondu, M. Nicolas Sarkozy a choisi de ne pas répondre point par point au questionnaire. Sa réponse est un courrier de quatre pages, abordant certaines thématiques du questionnaire, mais pas toutes, et ne répond pas clairement aux questions posées.

Brevets. Au sujet des brevets, qui constituent une des menaces les plus importantes pour le développement du Logiciel Libre, le questionnaire de Candidats.fr posait plusieurs questions sur le principe du brevet ainsi que sur l'état et l'avenir du système de brevets. Nicolas Sarkozy ne s'est pas prononcé sur l'ensemble de ces questions. Il a rappelé que la « protection par les brevets est nécessaire (...) S'agissant des logiciels, des entreprises françaises expriment le besoin d'une clarification pour pouvoir bénéficier d'une protection plus étendue que celle que leur offre aujourd'hui le système du droit d'auteur ». Le nouveau président de la République Française ne s'oppose donc pas au principe du brevet logiciel, puisque des entreprises demandent une telle protection.

En revanche, il se prononce pour la recherche de solutions aux abus du système actuel des brevets : « Je souhaite l'ouverture d'une réflexion sur la création de véritables sanctions en cas d'abus avérés. (...) Compte-tenu de l'importance des coûts des dépôts et des actions en justice, je propose que nous réfléchissions à la création d'un dispositif inspiré du système de l'aide juridictionnelle, qui permettrait aux petits créateurs d'y recourir aussi facilement que ceux qui en ont les moyens ».

Nicolas Sarkozy ne se prononce donc pas sur les solutions proposées par le questionnaire de Candidats.fr, comme l'attribution à des agences privées du travail de recherche d'antériorité ou le principe du pollueur/payeur. La solution proposée, de l'aide juridictionnelle, est peut-être de nature à aider les petites entreprises, mais ne réglera pas le problème de fond de profusion de brevets logiciels plus ou moins invalides mais faisant peser une insécurité juridique importante sur tous les acteurs de l'industrie informatique. D'autre part, M. Nicolas Sakorzy n'évoque pas la question des Logiciels dans sa position sur les brevets.

Pour une analyse plus approfondie de la position de Nicolas Sarkozy sur le sujet, on pourra consulter le communiqué de presse intitulé Brevets logiciels : incompétence et dangerosité du candidat Sarkozy publié par le chapitre France de la FFII.

Mesures techniques de protection. Nicolas Sarkozy se déclare « favorable à la protection juridique de ces mesures au niveau national et international. Elles apportent aux titulaires de droits un moyen fort de protéger leur propriété dans l'univers numériques, qu'ils sont libres d'adopter ou non ». Il ne se prononce pas sur les traités WCT (WIPO Copyright Treaty) et WPPT (WIPO Performances and Phonograms Treaty) signés en 1996 au niveau international, mais sachant que ces traités avaient précisément pour objectif de mettre en place la protection juridique des mesures techniques de protection, et étant donné la position de Nicolas Sarkozy sur cette question, on peut penser qu'il considère le choix réalisé par ces traités comme pertinent.

International. Nicolas Sarkozy n'aborde pas la position de la France au niveau international, ni en ce qui concerne un traité pour l'accès à la connaissance et aux techniques, ni en ce qui concerne le traité sur la radio-diffusion en cours d'étude à l'OMPI. De manière générale, la réponse de Nicolas Sarkozy n'aborde jamais la question de l'accès libre à la connaissance, même comme facteur de développement économique et d'innovation.

Interopérabilité. Nicolas Sarkozy « a la conviction que l'interopérabilité entre les programmes est un enjeu majeur du développement équitable des technologies numériques ». Cependant, il ne répond pas aux questions de Candidats.fr concernant les mesures techniques de protection et l'interopérabilité, les conditions de fourniture des informations nécessaires à l'interopérabilité par un éditeur, l'inscription du principe de l'interopérabilité dans la loi ou la suppression du test en trois étapes. Dans le domaine privé, Nicolas Sarkozy soutenant les mesures techniques de protection, il paraît difficile de parvenir à une réelle interopérabilité, ouverte aux Logiciels Libres. En revanche, dans le domaine des administrations, il déclare que l'intéropérabilité « s'impose dans les relations entre usagers et autorités administratives ».

DADVSI. Nicolas Sarkozy « ne reviendra pas sur la loi DADVSI sur laquelle il a eu l'occasion de s'exprimer à de multiples reprises pendant la campagne ». Il se déclare « opposé aux orientations induites » par les questions de Candidats.fr et indique que le « bilan prévu à la fin 2007 sera l'occasion de faire un état des lieux de sa mise en oeuvre ». Nicolas Sarkozy ne répond donc pas aux autres questions sur le sujet du questionnaire, mais étant donné la position du nouveau président, il est difficile de penser qu'une abrogation du titre Ier de la loi DADVSI ou des amendements dits Vivendi soient à l'ordre du jour.

IPRED II. Nicolas Sarkozy n'aborde pas la question de ce projet de loi européen dans la réponse au questionnaire.

Vente liée. Nicolas Sarkozy « pense que pour répondre à la demande de tous, deux modèles doivent coexister : les offres commerciales groupées, et les offres commerciales séparées ». Il précise que c'est « le sens des consultations actuellement en cours à la DGCCRF » et qu'il « agira en fonction des résultats de ces consultations ». Nicolas Sarkozy semble donc favorable à l'idée de l'existence d'offres séparées ordinateur/logiciel, mais n'appelle pas au respect de loi et s'en remet aux seuls résultats des consultations de la DGCCRF.

Recours collectif. Nicolas Sarkozy « est favorable sur le principe » aux actions de groupe. Il veut cependant « veiller à ce que nous ne tombions pas dans les excès d'un système où les victimes auraient en quelque sorte droit de vie ou de mort sur nos entreprises ».

Informatique de confiance. Nicolas Sarkozy considère que « les libertés ne sont pas suffisamment protégées dans l'univers numérique ». Il propose une « véritable modernisation de la CNIL, qui doit en particulier disposer des moyens nécessaires à ses missions ». Donner plus de moyens à la CNIL est effectivement nécessaire pour mieux défendre la vie privée des utilisateurs de systèmes informatiques. En revanche, M. Sarkozy ne condamne pas, sur le principe, l'idée d'informatique de confiance.

Administration électronique. Nicolas Sarkozy déclare s'être « exprimé à de multiples reprises toute l'importance qu'il attache à favoriser le développement de l'industrie logicielle nationale ». Cependant, il considère qu'il n'appartient pas à l'État, via la commande publique d'imposer un modèle (libre ou propriétaire) à « qui que ce soit ». Il ne semble donc pas favorable à l'idée d'imposer les Logiciels Libres dans les administrations. Par ailleurs, Nicolas Sarkozy ne répond pas à la question sur les standards ouverts et l'administration ni à celle sur le Référentiel Général d'Interopérabilité.

Neutralité scolaire. Nicolas Sarkozy n'a pas fait part de sa position sur le sujet.

Enseignement de l'informatique. Nicolas Sarkozy « considère que l'enseignement de l'informatique prévu au socle commun des connaissances et des compétences doit être renforcé, et inclure notamment l'enseignement des bases essentielles à l'écriture de programmes informatiques ». Cette proposition qui pourrait favoriser l'éveil et la curiosité pour les logiciels et leur fonctionnement, la participation plutôt que la simple "consommation d'informatique" a retenu toute notre attention.

On peut par contre regretter que Nicolas Sarkozy ne se prononce pas sur l'idée de former à une catégorie d'outils (traitement de texte) plutôt qu'à des produits particuliers, ni sur l'adéquation entre les logiciels et ressources libres et la mission de l'enseignement. En effet, le logiciel libre repose précisément sur des principes qui ouvrent l'accès à l'écriture de programmes informatiques et au partage des connaissances.

Conclusion. Au sujet des menaces qui pèsent sur le développement des Logiciels Libres (brevets, mesures techniques de protection, informatique de confiance), Nicolas Sarkozy ne semble ainsi pas tenir des propositions favorables au Logiciel Libre. D'autre part, il ne porte pas d'engagement clair vis-à-vis de la problématique de la vente liée, pourtant cruciale pour le développement auprès du plus large public des systèmes d'exploitation libres. Enfin, il ne semble pas souhaiter orienter l'administration publique et l'enseignement vers les Logiciels Libres ou les standards ouverts.